Octobre 1682: Soirées d'appartement

Soirées d'appartement

À la cour de Versailles, l'étiquette s'imposait.

Toute rencontre s'assujettissait à des codes et des préséances.

Le roi Louis XIV les respectait et veillait à ce que son entourage l'imite.

Dans le petit univers du château, chacun cherchait à augmenter ses prérogatives en veillant à ce qu'aucun autre ne s'élève au-dessus des siennes, on s'épiait et se jalousait.

Les soirées d'appartement se tenaient les lundis, mercredis et jeudis soirs de 19 à 22 heures.

Le jeu tenait une place importante à la cour.

L’hiver, il constituait l’une des principales activités à côté de la conversation.

Une distinction fut établie entre les jeux de hasard (basette, lansquenet, joc, trou-madame...), en principe bannis, et les jeux de commerce (piquet, trictrac, whist...), faisant appel à l’intelligence du joueur.

Les jeux en vogue évoluèrent au long des règnes :

• le joc vers 1675

• le lansquenet en 1695
• le brelan,
• Marie Leszczyńska prisait fort le cavagnole.

Des pièces furent spécialement aménagées :

• le cabinet du Billard, installé dans le salon de Diane par Louis XIV,
• le salon de Mercure, réservé au jeu de la famille royale,
• le salon des jeux, réalisé dès 1774 par Louis XVI.

Grand amateur de billard (son médecin le lui avait prescrit pour faciliter sa digestion), Louis XIV y avait ses partenaires attitrés (dont ministre Michel Chamillart) ; un jour qu’un de ses coups parut contestable, le roi se tourna vers le duc de Gramont et lui demanda ce qu’il en pensait :^{[réf. nécessaire]}

- « Inutile, Sire, Votre Majesté a perdu »

- « Comment pouvez-vous décider contre moi avant de savoir ? »

- « Hé ! Sire, ne voyez-vous pas que, pour peu que la chose ait été seulement douteuse, tous ces messieurs se seraient hâtés de vous donner gain de cause ! »

Ailleurs, on jouait aux cartes avec mises, ce qui permettait au roi de tenir la noblesse sous sa coupe en les renflouant s’ils perdaient et d’en faire ses obligés.

Certains hurlaient, d'autres blasphémaient et frappaient la table du poing, que toute la salle en retentissait.

Certains joueurs, comme le marquis de Dangeau, passaient pour avoir amassé une partie de leur fortune par le jeu.

Les plus mémorables des divertissements de cour de l'ancienne monarchie sont les soirées d'appartement que Louis XIV institue en octobre 1682, 5 mois après son installation définitive à Versailles

il s'agit d'une réception qui se tient dans le grand appartement de 6H du soir jusqu'à 10H, moment où le roi se met à table

Le salon d'Apollon est dévolu à la musique et à la danse, le salon de Mercure aux jeux de cartes, le salon de Mars au jeu, puis au concert et au bal; le salon de Diane accueille le billard, divertissement favori du roi

Enfin, les buffets sont dressés dans le salon de l'Abondance

Le Roi circule parmi les invités et leur parle familièrement

Les jeux de cartes

Les soirées d'appartement, comme celles qui les ont précédées, et certains courtisans habiles y font fortune

En 1676, Mme de Sévigné, qui passe un parès-midi à Versailles, admire ainsi le jeu du fameux Dangeau:

"Je voyais jouer Dangeau; et j'admirais combien nous sommes sots au jeu auprès de lui. il ne songe qu'à son affaire, et gagne où les autres perdent; il ne néglige rien, il profite de tout; il n'est point distrait; en un mot, sa bonne conduite défie la fortune: aussi les deux cent mille francs en dix jours, les cent mille écus en un mois, tout cela se met sur le livre de sa recette"

Le billard

Le billard est un jeu plus innocent, mais qui offre l'avantage d'un contact direct avec louis XIV

il permet ainsi à un obscur conseiller au parlement, Chamillart, de connaître une ascension fulgurante:

"sa fortune fut d'exceller au billard, raconte Saint Simon

Le Roi, qui s'amusait fort de ce jeu dont le goût lui dura fort longtemps, y faisait presque tous les soirs d'hiver des parties avec M. de Vendôme et Monsieur le grand et tantôt le maréchal de Villeroy, tantôt le duc de Gramont

ils surent que Chamillard y jouait fort bien, ils voulurent en essayer à Paris

Ils en furent si contents qu'ils en parlèrent au Roi et le vantèrent tant qu'il dit à monsieur le grand de l'amener la première fois qu'il irait à Paris

Il vint donc, et le Roi trouva qu'on ne lui en avait rien dit de trop

M. de Vendôme et monsieur le grand l'avaient pris en amitié et en protection encore plus que les eux autres, et firent en sorte qu'il fut admis une fois pour toutes dans la partie du Roi, où il était le plus fort de tous

il s'y comporta si modestement et si bien qu'il plut au Roi et au courtisan, dont il se trouva protégé à l'envi au lieu d'en être moqué, comme il arrive à un nouveau venu inconnu et de la ville"

Admis aux soirées d'appartement en 1684, Chamillart, nouveau favori, est bientôt mâître des requêtes, intendant de province, intendant des Finances... pour finir contrôleur général des Finances et secrétaire d'Etat de la guerre!