Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Louis XIV au jour le jour

Cérémonies funèbres suivant la mort d'un roi de France

31 Août 2014 , Rédigé par Louis XIV au jour le jour Publié dans #1683-1715

Le cercueil de est installé dans le Salon de Mercure transformé en chapelle ardente

la chapelle ardente est installée

Le cercueil du Roi est installé dans le Salon de Mercure transformé en chapelle ardente

 

Dans l’ancienne France, la mort d’un roi ne constituait pas un événement politique moins considérable que son couronnement et sa prise de pouvoir. L’opinion publique était bouleversée, dans un sens ou dans l’autre d’ailleurs, tantôt heureuse et soulagée, tantôt en proie à une sincère affliction. Une ère de notre histoire s’achevait, une ère nouvelle s’annonçait, pleine d’espoir et d’inconnu.

 

Celui qui succédait au disparu avait à cœur de lui assurer des funérailles grandioses. Leur rituel compliqué, un peu mystérieux, remontait aux origines de la monarchie, et avait été définitivement fixé, dans ses grandes lignes, pour les obsèques de Saint Louis.

 

Le premier médecin et ses aides, assistés du premier chirurgien, qui n’avait pas un instant quitté le chevet du moribond, constataient d’abord officiellement son décès. On dévêtait et lavait le corps, puis on prenait une empreinte du visage. Le moule étant sec, on y coulait de la cire, afin d’obtenir un masque mortuaire d’une poignante vérité.

 

Si cependant le roi avait succombé à une maladie contagieuse et dangereuse, telle que la variole ou la peste, on le mettait en bière immédiatement. Au contraire, si le roi mourait de vieillesse ou de maladie non épidémique, on exposait sa dépouille revêtue des habits de cérémonie, visage à découvert, dans une salle d’honneur du palais. Des mains pieuses plaçaient la couronne sur sa tête, la main de justice et le sceptre dans les mains raidies.

 

Il demeurait symboliquement sur ce lit de parade, puis on le confiait aux embaumeurs.

 

On réintégrait le roi, embaumé, dans sa chambre mortuaire, où il séjournait encore quelques jours, le visage lisse, propre, rasé (s’il ne portait ni moustache ni barbe), naturel, yeux et bouche clos, comme s’il se fut agi d’un dormeur. Aucun artifice n’était utilisé pour masquer la lividité de la mort.

 

Durant ce séjour, si le défunt avait souhaité honorer une ou plusieurs églises d’une partie de ses restes, on les leur apportait, enfermés dans un cœur ou un tonnelet de plomb.

 

À l’issue de ce bref séjour, le corps du roi se trouvait mis en bière pour être transporté à bras par les archers ou gardes de corps, selon les époques ; le double cercueil était recouvert d’un poêle de velours noir orné d’une grande croix blanche de satin.

 

La sévérité de la scène n’était tempérée que par la richesse ornementale des tapisseries tendues aux murs, en général les plus belles du palais.

 

Devant un petit autel se succédaient, chantant et psalmodiant de façon continue, les religieux des monastères de Paris, les aumôniers et chapelains de la maison royale.

 

Parents et intimes avaient seuls accès à cette chambre funéraire.

 

La véritable pompe funèbre et le véritable spectacle public se déroulaient dans une autre salle, d’apparat cette fois, où l’on exposait l’ « effigie » du roi, c’est-à-dire un mannequin habillé, portant son masque mortuaire, et chargé de donner à la cour, jusqu’au jour de l’inhumation, l’illusion que le souverain vivait encore.

 

Selon un rituel complexe, le mannequin était placé sur un grand lit à baldaquin de huit pieds carrés (2,65 m x 2,65 m), garni d’une couverture de drap d’or frisé bordée d’hermine mouchetée sur environ 65 centimètres de hauteur. Puis on le vêtait successivement :

 

d’une chemise de toile de Hollande bordée de soie noire aux manches et au col,

d’une camisole de satin cramoisi, doublée de taffetas ton sur ton, dont les spectateurs ne voyaient que le bas des manches,

d’une tunique de satin bleu, semée de fleurs de lis, et bordée d’un passement d’or et d’argent large de quatre doigts,

d’un manteau royal de velours « violet cramoisi azuré », brodé également de fleurs de lis, et agrafé par un joyau sur l’épaule droite, lointain souvenir des fibules antiques. Ce manteau, long de six mètres, était doublé de taffetas blanc et avait un collet rond d’hermine. Les parements et la « queue » étaient fourrés de même manière.

 

Au cou du mannequin avait été passé le cordon du grand ordre du roi ; sur la tête, un petit bonnet de velours « cramoisi brun », ceint de la couronne ; aux pieds, de fines bottines de lamé d’or, aux semelles rouge vif.

 

La main droite avait été ornée d’une bague d’or « enrichie d’une pierre précieuse et exquise », puis jointe à la main gauche, dans l’attitude de prière que l’on retrouve chez les gisants.

 

Le lit de parade permettait, en outre, d’exposer à tous les regards, sur de coussins de drap d’or, les attributs royaux : sceptre (toujours très long, presque autant que l’effigie elle-même), main de justice, épée.

 

La tête du mannequin était maintenue relevée par un coussin de velours ; un collier de perles entourait son cou, ainsi qu’un collet de dentelle au petit point.

 

Ainsi parée, l’effigie demeurait exposée une dizaine de jours ; c’est elle, et non le cercueil, que chacun venait asperger d’eau bénite, grâce à un goupillon présenté de part et d’autre du lit par deux hérauts assis sur des « escabelles ».

 

Une foule recueillie faisait souvent queue toute la nuit pour franchir les portes gardées par des archers. Elle empruntait les accès de la salle d’apparat tendus de velours noir, était saluée au bas de l’escalier par le colonel des suisses, et à l’étage, par celui des gardes. Six archers du grand prévôt, commandés par un lieutenant, veillaient au bon ordre.

 

Tant que durait l’exposition, l’effigie était « servie » aux heures des repas selon le cérémonial ordinaire.

 

Le dixième jour écoulée, l’effigie, qui avait permis à chacun de manifester son affliction, était dépouillée de ses vêtements. On apportait à sa place la bière, posée sur des tréteaux et recouverte d’un second poêle de drap d’or frisé portant la croix blanche et les armes, mais de dimensions plus réduites que celle du poêle de velours noir initiale.

 

À l’emplacement de la tête, sur un coussin de drap d’or, se trouvait la couronne, entourée du sceptre et de la main de justice. Au pied du cercueil, luisait une croix d’argent doré.

 

Un haut dais de velours noir, richement brodé, surplombait la bière ; à son extrémité était disposés une crédence drapée de noir et un bénitier. Les hérauts en cotte d’armes couverte du chaperon encadraient la dépouille royale, que séparait du reste de la salle une barrière noire.

 

Le nouveau roi ne venait rendre hommage au disparu qu’au moment de l’inhumation. Il revêtait pour la circonstance son manteau rouge d’apparat, dont la queue était portée par cinq princes. Le premier gentilhomme de la chambre lui présentait le carreau, afin qu’il s’agenouillât commodément. Après plusieurs révérences, le roi se relevait, aspergeait le cercueil d’eau bénite, puis se retirait sans mot dire.

 

Avant que le cercueil royal ne quittât le palais, on célébrait la dernière grand-messe des trépassés en musique.

 

Au total, les cérémonies funèbres duraient en principe quarante jours.

 

Ajoutons que les reines portaient le deuil en habit brun couleur de tan, rehaussé de blanc ; les rois prenaient en principe le grand deuil en rouge.

 

Du palais le cercueil était porté à Paris pour le service solennel à Notre-Dame et ensuite on le transportait à son destin définitif : la nécropole royale dans la basilique de Saint-Denis.

 

Extrait du livre « La seconde mort des Rois de France » par Jacques Saint-Germaine publié par Hachette (Paris, 1972), chapitres XII et XIII

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article