21 octobre 1688: Fontainebleau

Jeudi 21, à Fontainebleau. 

M. de Louvois est venu ce matin au lever du roi avant même que le premier gentilhomme de la chambre fût entré.

Il a apporté à Sa Majesté la nouvelle de l'exécution du traité fait avec l'électeur de Mayence.

Ce prince a reçu les troupes du roi dans la ville et dans la citadelle; il demeurera dans la ville à son ordinaire, donnera l'ordre à nos troupes, et, en son absence, le prévôt de la cathédrale. 

Boufflers, après avoir laissé garnison dans Mayence, a marché à Coblentz, et l'on ne doute point que M. de Trèves n'y reçoive la garnison qu'on lui voudra donner.

Le roi a donné à madame la comtesse de Beuvron 4,000 francs de pension; elle en avoit déjà huit. 

M. de Langres et le comte de Grammont ont demandé au roi son agrément pour le mariage de mademoiselle de Grammont, qui ,i été fille d'honneur de madame la Dauphine, avec M. de Gordes, que ses parents avoient fait mettre à Saint-Lazare, et qui consentent tous qu'il en sorte pour ce mariage ci. 

Ce matin, le roi étant à la chasse avec mesdames les princesses, un cerf, à un relancé, a percé la cuisse à Boisseuil et tué son cheval de trois coups d'andouiller; on croit que Boisseuil n'en mourra pas. 

A Philipsbourg, la nuit du 16 au 17, on n'a pas fort avancé la tranchée; les assiégés ont quatre-vingt-treize pièces de canon en batterie, qui embarrassent assez, et nous avons peu de terrain propre à placer à nos batteries; presque tout le terrain est marécageux. 

M. de Lauzun * partit d'ici pour aller offrir ses services au roi d'Angleterre.

Il y a quelques jours que Saint-Victor y étoit allé aussi. M. de Lauzun, n'ayant pas grand'chose à faire en France, a été loué du parti qu'il a pris; le roi lui en a donné la permission.

*M. de Lauzun, exilé plus d'un au en sortant de prison, et à Paris depuis, avoit toute liberté, hors d'approcher de la cour de deux lieues, et alloit souvent jouer chez Monsieur, à Paris, à Saint-Cloud.

La longueur de sa prison l'avoit extrêmement enrichi.